Les Cols Verts Île-de-France, l’agriculture urbaine au cœur des quartiers prioritaires

Les Cols Verts est un réseau associatif spécialisé dans l’agriculture urbaine. Profondément engagés pour un système agricole et alimentaire plus juste et vertueux pour le vivant, leurs actions se concentrent sur la création de programmes nationaux (des formations et des accompagnements) et de fermes urbaines dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). 5 collectifs agissent sur tout le territoire français. Parmi eux, celui de l’Île-de-France se situe au cœur de la Seine-Saint-Denis. Anna Roiné, directrice de ce collectif, nous livre sa vision de l’agriculture urbaine et ses bénéfices pour les quartiers.

Qu’est ce que l’agriculture urbaine ?

L’agriculture urbaine date des années 1850. Elle est dite urbaine quand elle a lieu en ville, ou autour des villes, dans des espaces qui pourraient être utilisés pour d’autres usages comme un toit, un espace vert ou de jeux, un projet immobilier etc.

L’agriculture urbaine se décompose en trois grandes catégories : 

• les potagers et jardins collectifs. Ces espaces sont partagés par des citoyens pour produire de la nourriture et des végétaux.
• les fermes urbaines participatives. Elles proposent différentes activités (ateliers de cuisine, visites, déjeuners partagés, activités culturelles) en plus de la production alimentaire.
• les fermes urbaines spécialisées. Elles ont pour but principal la production agricole.

L’agriculture urbaine agit pour la transition alimentaire des villes en produisant de la nourriture saine, durable et de proximité. Elle a de multiples autres bénéfices comme créer du lien social, créer de l’emploi, sensibiliser à l’environnement ainsi que végétaliser les villes et les rendre plus durables. 

L’agriculture urbaine en plein essor en France

L’agriculture urbaine est en plein développement grâce aux nombreux collectifs, associations et collectivités qui la soutiennent. Les collectivités s’y intéressent de plus en plus. En Île-de-France, 190 hectares sont cultivés et 178 fermes urbaines participatives ont été installées, à l’instar des Cols Verts. L’engouement est tel que depuis 2022, un observatoire de l’agriculture urbaine et des jardins collectifs a été créé pour suivre son évolution en France. 

Selon Anna Roiné, directrice des Cols Verts Île-de-France “cet engouement vient tout d’abord d’un besoin d’avoir des espaces de vie végétalisés en ville et des espaces communs où mettre les mains dans la terre, être en lien avec le vivant et faire ensemble. L’essor des jardins partagés dans les années 2000 en est une belle illustration.” 

En 2020, la crise de la COVID 19 a également accéléré le mouvement. Le confinement a révélé le manque de résilience alimentaire des villes, c’est-à-dire leur capacité à subvenir aux besoins alimentaires de leurs habitants. Bien que l’agriculture urbaine ne réponde pas directement à ce besoin car les surfaces ne sont ni assez grandes ni assez intensives, elle a d’autres atouts. Selon Anna Roiné, elle éduque à l’environnement et permet la création de liens sociaux. “Depuis la période covid, les gens ont besoin de se reconnecter aux autres et de se réapproprier les espaces. Ils veulent aussi savoir ce qu’ils mangent » déclare-t-elle.

En Seine-Saint-Denis, des fermes urbaines participatives au fil de l’eau

En Île-de-France, le territoire de la Seine-Saint-Denis est celui qui concentre le plus de sites. Cela s’explique par le soutien particulier accordé à ce types de projets pour répondre à des problématiques sociales et environnementales. Face au dérèglement climatique et à des épisodes de canicule de plus en plus fréquents, l’agriculture urbaine est une alliée. “Végétaliser la ville pour lutter contre les îlots de chaleur par exemple ça passe par des acteurs comme nous” explique Anna Roiné. 

Les fermes urbaines des Cols Verts Île-de-France se situent le long du canal de l’Ourcq sur les communes de Bobigny et Sevran. Les Vergers d’Hector est le premier site en activité depuis le printemps 2024. Les autres (La Ferme Kennedy, Le Potager de la Bergère et les Jardins Mécaniques) sont en cours de construction. Sur le site des Vergers d’Hector, une trentaine d’arbres ont déjà vu le jour et un jardin participatif est en cours d’aménagement. Une programmation riche sera mise en place avec des rencontres, ateliers et visites auprès d’un public multiple (habitants des quartiers prioritaires où est implanté le site, écoles, entreprises, centres sociaux, grand public…).

Pour ce projet, Anna Roiné a été accompagnée sur le programme Transition, un programme de 9 mois dédié aux porteurs de projets qui contribuent à une économie plus durable en Seine-Saint-Denis. “J’avais candidaté avant même ma prise de poste” avoue-t-elle. Au cours de cet accompagnement, l’entrepreneure a pu bénéficier de formations collectives avec d’autres structures à impact, de diagnostics individuels et d’une mentor. “Le mentorat j’ai trouvé ça génial. Cela m’a aidé à titre individuel, sur mes missions et sur mes enjeux. J’ai pu prendre mon poste le plus sereinement possible.”

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La mobilisation habitante au cœur du projet

“La mobilisation habitante c’est l’essence du projet” affirme Anna Roiné, en revenant sur son expérience et celles d’autres collectifs des Cols Verts. Le projet s’installe au cœur des quartiers sur des terrains souvent déjà utilisés. “Il y a des usages avant notre arrivée : terrain de football pour les enfants par exemple. Il faut parfois faire évoluer ces usages avec les habitants, il faut faire avec eux : c’est une nécessité”.

Pour cela les collectifs des Cols Verts souhaitent intégrer les habitants à toutes les étapes du projet. Ils organisent des moments de concertation et de co-construction avec les habitants des quartiers où sont implantées les fermes urbaines.  Ils organisent aussi des animations pour les impliquer : des paniers solidaires à destination des foyers en précarité, des cours de cuisine, des visites, etc. “C’est beaucoup de temps, de travail, d’écoute, de terrain. C’est beaucoup de discussions autour d’un café pour construire un lien en parlant de sujets du quotidien qui n’ont rien à voir avec le projet” analyse la directrice du collectif. 

Anna Roiné travaille depuis un an sur le développement du collectif en Île-de-France. Elle effectue régulièrement du temps de présence sur le chantier pour rencontrer les habitants et les associer au projet. “Il est fréquent que les porteurs de projets [ndl : les personnes en charge du développement des fermes urbaines chez les Cols Verts] soient amenés à élargir le champ du projet dans un premier temps et à participer à des activités qui peuvent paraître déconnectées des activités agricoles : repas partagés, des fresques taguées, des matchs de football… pour créer du lien.” 

L’agriculture urbaine, des bénéfices multiples

L’agriculture urbaine répond à de nombreux enjeux environnementaux et sociaux. Les Cols Verts souhaitent redonner du pouvoir aux gens sur leur alimentation, leur permettre de se la réapproprier. La multiplication des cancers et autres maladies ces dernières années prouve que l’alimentation est un véritable enjeu de santé publique. Pour la directrice du collectif en Île-de-France, “Il faut redonner la capacité de se nourrir mieux et donner accès à une alimentation saine et abordable”.

L’agriculture urbaine, au-delà de ses fonctions premières, a un fort pouvoir social. Anna Roiné assure que “l’agriculture urbaine réunit plein de bénéfices”. C’est à la fois des lieux de rencontre pour des habitants du même quartier, des lieux d’apprentissage et de découverte de la faune, de la flore et du jardinage. “Ces lieux ouverts à tous offrent à chacun l’opportunité de trouver une activité qui lui plait et de profiter d’être en extérieur. Avec l’agriculture urbaine, on peut tirer toutes les ficelles qu’on veut, ce qui est moins vrai avec d’autres projets culturels ou sportifs par exemple qui ont déjà un axe identifié. »

L’agriculture urbaine peut aussi avoir un rôle de réinsertion sociale. “L’agriculture urbaine c’est aussi l’opportunité de former et d’accompagner des personnes en précarité, éloignées de l’emploi vers des métiers durables” explique l’entrepreneure. Aujourd’hui c’est 1100 personnes qui sont employées dans ce secteur en Île-de-France. 

Conclusion

L’agriculture urbaine ne pourra pas répondre aux besoins alimentaires des villes, mais elle permet de les végétaliser et de sensibiliser les citoyens à la terre et à une alimentation plus durable. Au delà de ces bénéfices environnementaux; elle est d’utilité sociale. “Nous devons défendre ces espaces de vie collectifs” affirme Anna Roiné. “Il ne faut pas oublier que ces projets ne sont pas que des espaces qui ont besoin de subventions et monopolisent des territoires. Ce sont des catalyseurs du lien social, on fait, comme toutes les associations, de la délégation de service publique. On y résout des conflits”.

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