Discussion avec les femmes réfugiées entrepreneures
Avec le programme THSN pour entrepreneurs réfugiés, nous sommes partis du constat que l’entrepreneuriat peut être un moyen efficace pour l’inclusion des migrants et des réfugiés, comme les femmes réfugiées entrepreneures, dans les économies locales, en partageant leurs connaissances et leur esprit d’entreprise et en créant de nouvelles opportunités de marché et des réseaux transnationaux (Guide politique pour l’entrepreneuriat des personnes réfugiées, Nation Unies, 2018).
Les femmes représentent 52% des personnes arrivées en France en 2018.
Cette tendance est en constante progression et est le fruit d’une individualisation croissante des femmes.
Pourtant, cette équité du nombre d’arrivées ne s’illustre pas dans les chiffres des créations d’entreprise. En effet, la part des femmes entrepreneures réfugiées parmi ces femmes entrepreneures est nettement marginale.
L’entrepreneuriat serait-il une affaire d’hommes ?
Aujourd’hui en France, seul 32,1% des entreprises ont été créées par des femmes (les Echos, 03/2022). L’entrepreneuriat, aussi épanouissant soit-il, n’est pas un parcours facile, surtout pour les femmes ; encore moins pour les femmes réfugiées. Pour comprendre les freins que peuvent rencontrer les femmes réfugiées qui souhaitent créer leur entreprise, nous les avons réunies afin d’échanger et de réfléchir ensemble aux solutions à mettre en place afin de mieux les accompagner.
L’un des problèmes majeurs qui a fait l’unanimité parmi les entrepreneures est la surcharge mentale à laquelle elles font face. En parallèle de la grosse charge de travail que demande l’entrepreneuriat, ces femmes doivent aussi prendre soin de leurs enfants, s’occuper de leurs foyers, aller au travail, etc… Le travail domestique, non considéré dans la société reste néanmoins une charge mentale et physique considérable qui se traduit par un épuisement et un stress constant. Ces responsabilités à porter, les ralentit dans la réalisation de leurs projets et la concrétisation de leurs ambitions.
Cela n’est pas le seul facteur qui les freine ou les empêche de réaliser leurs projets.
Notre discussion avec ces femmes a dévoilé tout le sexisme qui les accompagne dans leurs parcours entrepreneuriaux. Dès leur arrivées en France, une plus faible attention est portée à leur intégration dans la société. De plus, les associations et institutions chargées de les accompagner se focalisent sur l’insertion professionnelle des hommes plutôt que celle des femmes. Par exemple, elles sont souvent catégorisées et conseillées à devenir femme de ménage ou nourrice mettant de coté leurs précédentes qualifications et compétences. Elles subissent également des commentaires discriminatoires et des comportements sexistes.
Ces inégalités de traitement pèsent sur elles et les poussent à se sentir inférieures, isolées et leur font perdre toute confiance en elles. La conséquence : ces sentiments prennent parfois le dessus sur leurs ambitions et créent une peur d’entreprendre. Une peur de se lancer. Néanmoins, les envies d’autonomie et d’épanouissement professionnel de ces femmes prennent le dessus. Elles restent très motivées non seulement à entreprendre, mais aussi à améliorer les conditions dans lesquelles elles entreprennent.
Répondre à leurs besoins et de lever certains freins d’accès à un entrepreneuriat plus juste : comment faire ?
Suite à ces discussions entre femmes, plusieurs pistes de solutions et actions à mettre en place sont à considérer dans le but de répondre à leurs besoins et de lever certains freins d’accès à un entrepreneuriat plus juste.
La première étant un suivi psychologique. En effet, il est nécessaire de prendre en compte le vécu de ces femmes et les difficultés qu’elles ont dû traverser pour fuir un pays où leurs vies étaient menacées. Elles ont dû tout laisser derrière elles, subir un parcours migratoire et s’installer dans un pays où la langue, la culture, les coutumes sont inconnues. Mais pour s’intégrer et aller de l’avant, il est essentiel de cicatriser les plaies du passé, d’où la pertinence d’un suivi psychologique.
Une autre proposition qui vient en complément de la précédente est la mise en place d’ateliers de bien-être, comme par exemple des ateliers de confiance en soi à travers le théâtre (avec Zina une alumna du programme), des cours de yoga ou de danse. Ces ateliers permettent à ces femmes de prendre du temps pour elles et de regagner confiance en leurs compétences. Ce type d’accompagnement ouvre également la voie à une meilleure intégration dans la société puisqu’il aide les femmes à faire des rencontres, s’exercer en français, créer des liens, trouver du soutien tant au niveau personnel que professionnel. Ces éléments sont des atouts qui les aideront dans le développement de leurs projets.
Par ailleurs, l’enjeu d’organisation du temps étant un besoin majeur, un atelier dédié à cette problématique pourra être utile afin de mieux organiser et gérer leurs tâches et responsabilités. L’objectif étant de les aider à trouver un équilibre entre leurs vies professionnelles et privées. Couplé à un soutien administratif, les femmes pourront alors mieux connaître et comprendre leurs droits et être pleinement actrices de leurs agendas.
Pour conclure, malgré leurs différents parcours, toutes ces femmes entrepreneurs font face aux mêmes obstacles. Le fait d’en parler leur a permis de se sentir moins seules. Par ailleurs, elles sont prêtes à se mobiliser pour remédier à certaines situations notamment celles en lien avec la surcharge de travail et le sexisme auquel elles sont assujetties. Pour elles, surmonter ses obstacles repose sur notamment une attention portée à leur santé mentale et une meilleure organisation de leur temps ainsi qu’une meilleure connaissance de leurs droits. Ces femmes sont des battantes et n’ont pas dit leur dernier mot pour s’épanouir pleinement en France.